Contribution fédérale du PS 31 dans le cadre de la Convention Nationale Europe
Animée par Sylvie MARIN et Victor PETIT-DIDIER, secrétaires fédéraux, une commission fédérale
a travaillé sur notre contribution à la convention nationale Europe actuellement en cours.
Voici le texte transmis pour alimenter le débat national.
Si l’on en croit un sondage récent, le regard des citoyens européens sur l’Union Européenne semble avoir évolué positivement, à la faveur sans doute de la crise sanitaire mondiale de la Covid-19 et de la guerre en Ukraine qui auront fédéré les européens face aux dangers. Mais l’Europe souffre encore d’une assez mauvaise image auprès des populations européennes alors que l’UE prend des décisions qui concernent leurs vies.
Pourquoi et comment pouvons-nous y remédier ? Comment (re)donner du sens à l’Europe pour les européens ?
Les sociétés démocratiques occidentales traversent aujourd’hui différentes crises profondes qui interrogent leurs projets comme leurs organisations politiques.
Et d’abord une crise démocratique majeure : le niveau d’abstention très élevé, quels que soient les scrutins concernés, traduit en effet le fait qu’une grande partie des citoyens ne se reconnaissent plus dans les projets et/ou organisations politiques actuelles de leurs sociétés.
L’arrivée au pouvoir dans nombre de pays européens de partis ou coalitions avec l’extrême-droite, la progression de l’adhésion à un modèle de régime autoritaire, imaginé par les citoyens comme plus efficace à résoudre leurs problèmes, sont d’autres manifestations de cette crise.
Crise sociale : en France par exemple, de la crise des gilets jaunes à l’opposition massive de la population à la réforme des retraites, c’est la colère qui s’exprime dans la rue d’un grand nombre de citoyens qui n’arrivent à faire entendre à leurs dirigeants leurs difficultés liées à une précarisation croissante et généralisée de leurs conditions de vie.
En effet, dans les sociétés occidentales les écarts de revenus au sein des grandes entreprises commerciales, entre ceux qui sont les plus bas et les revenus des dirigeants est sans commune mesure avec les écarts qui existaient il y a quelques décennies.
Les inégalités se sont ainsi beaucoup creusées dans nos sociétés au cours de ces dernières années, avec pour conséquences des problèmes multiples et qui peuvent constituer, à cause d’un sentiment d’injustice et d’un ressentiment d’un grand nombre de citoyens, une menace pour la cohésion sociale et, au-delà, pour le modèle démocratique lui-même.
La disparition de l’URSS, dont la chute du mur de Berlin en 1989 a été le symbole, et l’effondrement de l’idéologie communiste a bouleversé l’ordre international qui divisait le monde en deux blocs, deux conceptions de la société, laissant désormais toute la place au libéralisme économique devenu l’idéologie politique dominante à l’échelle du monde et sorte d’idéologie « naturelle » en face de laquelle il n’y aurait pas de projet politique alternatif.
Face donc aujourd’hui à un hyperlibéralisme sans limites, il y a urgence à corriger les dysfonctionnements de nos démocraties par une plus juste répartition des richesses.
Ainsi entre un capitalisme hors de contrôle dans lequel l’homme ne trouve pas sa place et un modèle politique autoritaire dans lequel l’homme ne peut pas trouver de place, il y a une vision européenne de la société qui met l’homme et la satisfaction de ses besoins fondamentaux au centre.
Ainsi, pour rapprocher l’Europe des européens, le fonctionnement de l’UE doit être plus démocratique, l’UE doit défendre et promouvoir son modèle de protection sociale aujourd’hui attaqué par le libéralisme économique et le niveau de recettes propres de la Commission européenne doit être augmenté.
Nous devons par ailleurs engager l’Europe dans une politique volontariste de production européenne et penser la sortie du domaine strictement marchand des secteurs qui répondent aux besoins fondamentaux des individus.
Enfin, nous devons nous donner les moyens de construire aujourd’hui la citoyenneté européenne de demain.
Modifier la gouvernance de l’UE pour améliorer la démocratie européenne
Nous proposons d’institutionnaliser le principe du spitzenkandidat, aujourd’hui simple recommandation, pour que le Président de la Commission européenne soit obligatoirement le candidat à la présidence de la Commission désigné par le parti européen majoritaire au Parlement européen. Et nous proposons que le spitzenkandidat du PSE soit désigné lors d’une grande primaire européenne, ce qui permettra aux militants de choisir leur candidat à la présidence de la Commission.
Cette modification permettrait d’une part aux électeurs lors du scrutin européen d’identifier le potentiel Président de la Commission européenne, et d’autre part de renforcer la confiance des citoyens en établissant des règles claires concernant les modalités d’accès à cette fonction.
Nous proposons aussi d’institutionnaliser les propositions votées au Parlement européen le 3 mai 2022 d’instaurer des listes électorales transnationales par la création d’une circonscription à l’échelle de l’UE en vue d’élire 27 députés européens en plus des députés élus dans les circonscriptions nationales.
Nous proposons aussi de faciliter l’initiative citoyenne européenne et de permettre à la Commission européenne, en cas de rejet d’une initiative, de pouvoir débattre des propositions formulées si elles représentent l’opinion d’un nombre important de citoyens, et le cas échéant, de proposer un contre-projet plus adapté. Les réponses données par la Commission aux citoyens en cas de rejet d’une initiative devant s’attacher à être plus simples afin d’être compréhensibles par eux et réduire la distance entre l’institution et le citoyen.
Défendre et promouvoir le modèle de protection sociale européen menacé par le libéralisme économique
Au nombre de 28 millions de personnes aujourd’hui en Europe, les salariés des plateformes numériques de type Uber seront, selon les dires de la Commission européenne en décembre 2022, 43 millions d’ici à 2025. Le modèle économique Uber menace donc à très court terme les droits sociaux, durement acquis, de très nombreux travailleurs en Europe. Par ailleurs, les techniques aujourd’hui disponibles de l’Intelligence Artificielle menacent de disparition à court terme aussi des emplois plutôt très qualifiés dans des nouveaux secteurs. Il y a par conséquent urgence à continuer à agir sur le plan juridique pour requalifier comme salariés des personnes que les plateformes considèrent improprement comme travailleurs indépendants.
D’autre part, la mise en œuvre d’une politique de protection sociale minimale par chaque pays membre s’avère nécessaire afin de garantir une retraite minimale à tout citoyen de l’UE, un revenu minimum aux étudiants sans emploi et demandeurs d’emploi européen, et permettre un accès gratuit à la santé à l’échelle européenne.
Assurer davantage de recettes propres à la Commission européenne pour garantir son indépendance
Le budget de la Commission européenne dépend aujourd’hui à 67% du transfert des Etats membres. Cette situation de dépendance ne lui permet donc pas d’assurer son rôle de gardienne des Traités et de choisir librement ses politiques. Son niveau de recettes propres doit par conséquent augmenter.
Des nouvelles recettes pourraient provenir d’une taxe sur les transactions financières, qui pourrait rapporter jusqu’à 57 milliards d’euros par tranche de 0,1% taxé, ainsi que d’une taxe sur les hauts patrimoines, aujourd’hui domiciliés dans des pays en fonction de leur taxation.
Outre le levier pour augmenter le budget européen, cet « ISF européen » permettrait une taxation juste, légitime, et réduirait la concurrence fiscale que se mènent les 27.
Engager l’Europe dans une politique volontariste de production européenne pour protéger le pouvoir d’achat des européens
Encourager et protéger la production européenne de la concurrence quelquefois écocide et antisociale de certains gouvernements étrangers est en effet l’un des moyens de protéger le pouvoir d’achat (ou le pouvoir de vivre) des européens.
Pour cela, nous proposons de créer un Buy European Act ainsi qu’une taxe écologique et sociale sur les importations, d’instaurer un salaire minimum européen et non par pays égal à 85% du salaire national médian, et l’intervention de l’UE dans la régulation des écarts de salaires pour qu’ils ne dépassent pas le rapport de 1 à 20.
Penser la sortie du domaine strictement marchand des secteurs qui répondent aux besoins essentiels des individus
A l’instar du choix politique fait par la France d’exclure du secteur marchand certaines productions culturelles afin qu’elles puissent être accessibles à tous sans discrimination (« l’exception culturelle française ») parce que la culture, considérée comme un produit différent des autres, participe à la construction de citoyens éclairés, libres et responsables, nous proposons de penser un modèle économique qui ne serait pas strictement marchand pour la production des denrées alimentaires et de l’énergie, pour le secteur de l’eau et celui des transports en commun.
Repenser Erasmus + pour proposer un programme plus ambitieux pour construire la citoyenneté européenne de demain
Intégrer au programmes scolaires en France une information sur l’UE et Erasmus +
Le programme européen Erasmus + principalement destiné depuis 36 ans à l’éducation et à la formation des jeunes des 27 Etats membres, aujourd’hui doté pour la période 2021-2027 d’un budget de 26,2 milliards d’euros, n’a pas les moyens de ses ambitions. Et le budget du programme 2027-2033 paraît menacé par, à la fois les dépenses liées à la crise sanitaire de la Covid-19 et à la guerre en Ukraine, et par la politique néolibérale de certains Etats membres et de la Commission européenne.
Les Jeunes Socialistes de la Haute-Garonne appellent par conséquent tous les chefs d’Etat et de gouvernement, la Commission européenne ainsi que les députés européens à s’engager concrètement pour accroître le budget du prochain programme Erasmus + qui est un levier pour construire la citoyenneté européenne de demain.
En France, le programme est aujourd’hui peu connu du public jeunes auquel il s’adresse, faute de volonté politique pour donner aux structures d’éducation populaire et acteurs de la citoyenneté européenne les moyens financiers et humains de le faire connaître. Par conséquent, seul aujourd’hui un nombre restreint de jeunes issus des mêmes milieux favorisés bénéficient de cette mobilité européenne et internationale. Nous appelons donc à donner une place centrale à ces acteurs de la citoyenneté européenne en leur donnant des moyens financiers pour faire connaître largement le programme et pour qu’ils assurent la prise en charge du montage très lourd des projets Erasmus + , décourageant pour ceux qui pourraient bénéficier du programme.
Nous proposons également d’étendre le programme à d’autres publics pour favoriser la mobilité européenne et internationale de l’ensemble des citoyens : tous les étudiants de l’enseignement supérieur et les jeunes en formation professionnelle mais aussi les jeunes en décrochage scolaire ainsi que les personnes en recherche d’emploi, celles en situation de handicap et les familles monoparentales.
Nous proposons par ailleurs d’intégrer les échanges Nord-Sud au programme. Cela participerait au nécessaire dialogue entre les pays du Nord et les pays du Sud.
En France, nous proposons d’intégrer aux programmes scolaires des collèges ou lycées une information obligatoire d’une journée sur le fonctionnement de l’UE et les dispositifs proposés pour les jeunes.