Élections régionales en Occitanie : Carole Delga sera « candidate à un deuxième mandat »
Que pensez-vous de la fronde des élus contre les restrictions annoncées par le gouvernement pour endiguer la pandémie ?
J’ai été très étonnée que le ministre de la Santé n’appelle pas les maires de Paris, de Marseille et des villes concernées. C’est regrettable mais cela illustre bien la méthode macroniste. C’est la verticalité, la toute-puissance… Paris décide et le reste du pays doit appliquer.
Les chiffres sont tout de même inquiétants.
Nous sommes effectivement dans une situation préoccupante. Sur le diagnostic, je ne me permettrai pas de faire de commentaire. Mais on ne peut pas avoir un deuxième confinement de la France. Pour autant, avant de prendre des mesures, il faut de la concertation, par exemple, avec les responsables des restaurants et cafés. J’entends la colère, l’inquiétude de nos concitoyens. Je crois qu’il faut de la clarté et de la cohérence de la part du gouvernement. Concerter, c’est rassembler, c’est ce que nous faisons à l’échelle de l’Occitanie. À notre niveau, nous agissons. On voit dans toutes les villes des files d’attente devant les labos et centres de dépistage temporaires. Nous avons donc décidé de livrer quatre camions mobiles de dépistage sous quinze jours.
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Que pensez-vous de la situation économique avec les annonces de plans sociaux, en particulier dans l’aéronautique ?
La filière aéronautique est la plus touchée. Air France n’est qu’à 20% de fréquentation et on sait que le trafic ne va pas reprendre à court terme. La Région a débloqué un plan d’action de 100 millions d’euros pour cette filière qui était complémentaire de celui du gouvernement. Il faut maintenir au maximum les compétences, les salariés. On a besoin de ces savoir-faire qui sont exceptionnels. Le jour où il y aura la reprise, dans deux ou trois ans, il faudra être capable de répondre à la demande. Si ce n’est pas nous qui répondons ce sera Boeing ou les Chinois. Je crois aussi qu’il faut pousser les feux sur l’innovation. Je suis ravie du projet d’avion à hydrogène. Il faut aller vers l’avion vert. Airbus annonce 2 035 mais je suis sûre qu’en 2030, il volera.
Peut-on dire aux habitants de la région qu’ils verront les LGV Bordeaux-Toulouse et Montpellier-Perpignan ?
Le Premier ministre en est convaincu et moi aussi. Oui, on peut dire aux habitants de la région : Vous verrez la LGV. Sinon la France sera coupée en deux. Il faut être relié à Paris, à Bruxelles. C’est un facteur de cohésion nationale et une question d’équilibre. Il faut arrêter cette hypermétropolisation. Et puis, on a voulu nous vendre le fait que c’était soit la Ligne à grande vitesse, soit les petites lignes.
« Quand la gauche est rassemblée, elle est devant l’extrême droite. Dans ce cas, on serait à 30% et le RN à 25 %. J’appelle donc au rassemblement de la gauche. »
Je dis qu’on peut faire les deux : amener la LGV à Toulouse et avoir un cadencement pour Foix, amener la LGV à Perpignan et faire la montée du plateau cerdan avec une petite ligne. Dans toute crise, il faut investir dans les moyens de communication : nous avons besoin des LGV et des trains d’équilibre du territoire.
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Où en est le projet d’agence des mobilités ?
Ce sera un seul lieu unique pour agir aussi bien sur le ferroviaire, le routier collectif ou particulier… Toulouse est une des villes les plus embouteillées de France. Il y a de nombreuses problématiques. Par exemple, si vous habitez à 50 kilomètres de Toulouse, comment pouvez-vous rendre dans la ville ? La première solution, c’est le train. S’il n’y en a pas, il faut des cars avec des voies réservées. Il y a aussi le covoiturage, les différentes combinaisons de transport, le vélo… Pour trouver des solutions, il est nécessaire de travailler en commun avec l’Etat, la métropole, etc.
La 5G suscite beaucoup d’inquiétude. Qu’en pensez-vous ?
Je pense qu’il faut un moratoire jusqu’en avril lorsque l’Anses (NDLR : Agence nationale de sécurité sanitaire) restituera son analyse. On ne peut pas balayer comme ça les inquiétudes. Il ne s’agit pas d’attendre trois ans, mais six mois, le temps de regarder le rapport de l’Anses. Je trouve aussi qu’on passe un peu vite sur toutes ces zones qui ne sont pas encore couvertes par la 4G. Cet été, un village de Lozère s’est retrouvé sans téléphone pendant une semaine. On ne peut pas continuer à faire comme si toute la France était équipée de la 4G.
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Où en est le projet de musée du rugby à Toulouse ?
L’Occitanie est la région du rugby. C’est un projet que je trouve très intéressant autour du stade Ernest-Wallon avec à côté une cité du bien-être et de la santé, et une filière économique autour du sport. À Toulouse, il faut de l’ambition et un geste architectural fort : pourquoi pas, à travers le concours d’architecte, un bâtiment en forme de ballon de rugby ? Regardez la Cité du vin à Bordeaux. Je trouve qu’il y a une audace architecturale à Montpellier alors qu’à Toulouse, on a toujours été très timoré. Il faut qu’on envoie un message fort vers le monde du rugby. J’ai demandé à Jean-Luc Moudenc une réunion sur le sujet.
Parlons des prochaines élections régionales, serez-vous candidate à votre succession ?
J’avais dit dès janvier 2016 que si j’avais la santé, je serais candidate. J’ai parlé de la santé car être présidente de Région, c’est beaucoup de travail, 70 heures par semaine en moyenne. Oui, je confirme donc que je serai candidate à un deuxième mandat.
Un sondage récent sur les intentions de vote aux régionales met le RN en tête au premier tour. Que vous inspirent ces résultats ?
Je ne prête pas beaucoup attention aux sondages. J’ai plutôt l’œil rivé sur les chiffres de la propagation du virus, la baisse du pouvoir d’achat, le nombre de licenciements… Mais je voudrais dire que quand la gauche est rassemblée, elle est devant l’extrême droite. Dans ce cas, on serait à 30 % et le RN à 25 %. J’appelle donc au rassemblement de la gauche. Je sais qu’au niveau national, il y a des messages d’Europe Ecologie Les Verts pour l’autonomie. Mais en Occitanie, contrairement à d’autres régions, les écologistes n’ont pas pris de décision. Je respecte leur calendrier. J’ai écrit à Julien Bayou en lui rappelant que je souhaitais travailler à un projet en commun. Je crois beaucoup à la gauche écologiste.
Qu’avez-vous pensé des déclarations du maire de Bordeaux sur la fin du sapin de Noël ou du maire de Lyon sur le Tour de France, « machiste et polluant » ?
Ces déclarations desservent la cause écologiste. J’ai beaucoup appris des différentes composantes de ma majorité, qu’il s’agisse des écologistes, des communistes et des Radicaux de gauche. Avoir une gauche plurielle, c’est avoir une gauche plus riche. On ne doit pas être dans des positions caricaturales. Je crois qu’on peut concilier l’écologie et l’économie. Il faut reconnaître que les écologistes ont su nous montrer la voie sur le réchauffement climatique, il y a dix ans. Au sujet du Tour de France, le maire de Lyon ne connaît pas le travail fait sur la féminisation. ASO qui est l’organisateur, porte à bout de bras financièrement les épreuves cyclistes féminines. Et sur le Tour, il y a tous les cinq kilomètres des zones de collecte. Moi, je crois en l’écologie populaire et en l’écologie d’accompagnement, pas au diktat écologiste. Et la majorité des Français qui soutiennent ce mouvement veulent cela : démontrer qu’on concilie écologie et économie.
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Pensez-vous justement qu’on peut réconcilier la gauche écologiste et les chasseurs ?
Les fédérations de chasse font un travail formidable, sur la préservation de l’environnement et sur la pédagogie. Bien sûr qu’il y a des chasseurs qui sont des caricatures et qui donnent une mauvaise image de chasse mais c’est une minorité.
Antoine Maurice qui était candidat à la mairie de Toulouse, est candidat à la tête de liste d’EELV pour les régionales. Qu’en dites-vous ?
Je suis surprise. Je pensais que son projet, c’était Toulouse. Il est candidat à la candidature. Nous verrons… Pour ma part, je crois à une gauche rassemblée. Elle doit se retrouver. Si ce n’est pas avant le premier tour, ce sera le soir du premier tour. J’ai une totale confiance en nos partenaires, en leur sens des responsabilités s’il existe un risque de voir l’extrême droite au pouvoir.
La République en Marche peut-elle faire partie de votre majorité ?
Je suis en désaccord avec la politique d’Emmanuel Macron. Et ça ne date pas d’hier. Ce que j’avais dit il y a trois ans se réalise. Je n’ai pas le même diagnostic de la France qu’Emmanuel Macron. Je ne fais pas de la politique pour la même raison. Il vient de l’élite et travaille pour l’élite. La réforme de l’assurance-chômage est une grave erreur, la suppression de l’ISF et de la flat tax également. Et puis ce qui s’est passé aux municipales à Perpignan m’a profondément meurtrie. Je suis allée à l’Elysée pour alerter sur le risque du RN dans la région. J’avais indiqué qu’il était suicidaire de présenter un candidat En Marche contre le maire sortant. Or, Romain Grau s’est présenté contre Jean-Marc Pujol et il est arrivé ce qui devait se produire…
On a entendu Olivier Faure dire que le PS pourrait à la présidentielle se ranger derrière un candidat non socialiste. Est-ce une erreur ?
Je n’aurais pas utilisé les mêmes termes qu’Olivier mais je pense qu’il faut une candidature unique à la gauche. Ce pays a besoin de la gauche réformiste, écologiste.
Anne Hidalgo ferait-elle une bonne candidate ?
Ce serait une très bonne candidate. J’ai de l’admiration pour elle. Anne Hidalgo a une stature internationale. Mais je ne veux pas tomber dans la personnification. Le PS est affaibli parce que depuis dix ans, il n’a été qu’une juxtaposition d’écuries. Personne ne connaît le projet socialiste. Nous n’avons pas travaillé sur le fond et il ne faudrait pas retomber dans nos travers. Cela nous a coûté très cher…
Un plan de relance « vital pour l’Occitanie »
La présidente de Région était hier à Matignon aux côtés de ses homologues et du Premier ministre Jean Castex, pour ratifier l’accord de partenariat autour du Plan de relance. Une manne de 100 milliards d’euros qui, en Occitanie, doit prioritairement bénéficier aux transports et aux énergies renouvelables. Les deux priorités définies par Carole Delga. « Cet accord est positif pour les Régions. Il y a encore six mois, Édouard Philippe était Premier ministre et il ne voulait pas compenser nos pertes de recettes sur la TVA par exemple, 120 millions d’euros pour l’Occitanie, alors qu’il compensait pour les conseils départementaux et les communes. Là, il y a enfin une mesure de justice, les Régions sont traitées comme les autres collectivités », indique Carole Delga.
Les crédits bénéficieront aux infrastructures routières : « La RN 20 dans les Pyrénées-Orientales, la RN 124 dans le Gers, la RN 88 à Rodez, le pont entre l’A75 et l’entrée ouest de Montpellier » indique la présidente. Pour le rail, la Région a ciblé des lignes prioritaires : « Le Train jaune, Alès-Béssèges, Rodez-Séverac-Millau, Carcassonne-Limoux-Quillan, Montréjeau-Luchon. Mais aussi le fret, au premier rang duquel la ligne Perpignan-Rungis pour laquelle le Premier ministre a déjà donné son accord, et aussi Auch-Agen. » Un volet écologie et énergies renouvelables est également prévu. Concernant le tourisme, Carole Delga a demandé « un plan pour l’ensemble de l’économie lourdaise, qui soit opérationnel et rapide car Lourdes a perdu 95 % de sa fréquentation. »