Réforme des retraites – Où en sommes nous ?
Le gouvernement fait l’union contre lui.
Mardi 17 décembre, les socialistes étaient une nouvelle fois dans la rue, aux côtés des forces sociales, afin d’amplifier ce mouvement et proposer des mesures alternatives pour permettre à chacun.e de vivre mieux.
Mercredi 11 décembre, la conférence de presse du Premier ministre, en levant le voile sur les flous de la réforme, a contribué à mettre en lumière les injustices que nous pressentions, avec pour conséquence de précipiter les syndicats « progressistes » dans la rue, la CFDT en tête.
L’âge pivot : travailler plus ou gagner moins
Véritable pomme de discorde avec les syndicats, c’est la question de l’âge pivot qui a décidé la CFDT et l’UNSA à rejoindre la mobilisation.
Comprendre l’âge pivot et l’âge légal
L’âge légal restera fixé à 62 ans, c’est l’âge auquel chacun pourra partir à la retraite. L’âge pivot, aussi appelé « âge d’équilibre », c’est l’âge auquel vous pourrez partir en retraite avec une pension complète. S’il n’y a pas d’accord plus favorable avec les partenaires sociaux, la loi fixera à compter du 1er janvier 2022 un âge d’équilibre à 62 ans et 4 mois. Il augmentera ensuite de 4 mois par an pour atteindre 64 ans en 2027.
Vous êtes nés avant 1975 ? Vous êtes quand même concernés !
Vous pensiez échapper à la réforme des retraites en étant né avant 1975 ? Ce n’est peut-être pas totalement vrai. Cette mesure entrera en vigueur pour tous en 2027 et pas seulement pour les générations 1975. Par exemple, la génération 1965, qui aura 62 ans en 2027, sera dans tous les cas concernée par l’âge d’équilibre à 64 ans.
Une mesure d’âge pour mieux diviser le pays
« Pour briser la solidarité entre générations, le Premier ministre n’hésite pas à partager les actifs » selon Henry Sterdyniak.
Il y a d’un côté les jeunes, nés après 2004, à qui la réforme s’appliquerait dès 2022, lorsque les premiers concernés atteindront l’âge de 18 ans.
De l’autre, on trouve les personnes nées avant 1975, qui ne seraient donc pas concernées par la réforme, même si l’on a vu plus haut que ce n’est pas totalement vrai.
Entre ces deux générations, les personnes d’âge intermédiaire qui prendront leur retraite après 2037 – où ils commenceront à atteindre les 62 ans – auraient une pension calculée en partie selon les nouvelles règles, en partie selon les anciennes.
Dans ce schéma, les anciens régimes et le nouveau vont devoir cohabiter jusqu’en 2037. Ainsi, pendant quinze ans, les régimes actuels vont être de plus en plus déficitaires, perdant les cotisations des entrants, qui tomberont progressivement dans la main de l’Etat.
Une question cruciale demeure en suspens : comment seront garantis les droits des salariés et retraités dans les anciens systèmes durant les années de transition jusqu’en 2037 ?
La valeur du point, une question cruciale
Le futur système fonctionnera en points et non plus avec des trimestres validés. Ce nouveau calcul a pour inconvénient de ne créer aucun droit si la personne n’a pas travaillé durant une durée minimale. Un mode de calcul qui pénalisera donc d’abord les salariés qui enchainent les contrats précaires.
Chaque heure cotisée engendrera des points, donc des droits à la pension. Les points cumulés abonderont un compte propre à chaque assuré – un peu comme dans le régime complémentaire du privé Agirc-Arrco.
Mais la valeur du point dans tout ça ?
Edouard Philippe ne s’est pas engagé clairement à ce que la valeur du point d’achat augmente bien comme le salaire moyen. Il s’est contenté de garantir qu’elle augmentera plus que les prix.
Pour ce qui est de la valeur du point, la seule règle d’or garantie par le gouvernement c’est l’équilibre financier du système. La loi interdira toute baisse de la valeur du point, mais cela ne dit rien de l’évolution des retraites ou des cotisations.
Une pension minimale de 1 000 euros ?
De prime abord, cette mesure sonne comme une avancée sociale. Cependant, le minimum de retraite (minimum contributif) de 1 000 euros (85 % du Smic) est une mesure déjà inscrite dans la loi de 2003 sur les retraites mais jamais exécutée. C’est, d’ailleurs, la majorité actuelle qui a refusé que la loi s’applique dès 2019 aux agriculteurs.
C’est une question que l’on peut se poser, à l’écoute du Premier ministre et des explications qui ont suivi sa conférence de presse, on comprend que cette mesure ne s’appliquera qu’aux carrières complètes au SMIC.
Que va-t-il advenir de celles et ceux qui ont fait carrière avec des revenus inférieurs au SMIC ? Les carrières heurtées ? Sur ce point le dossier de presse est moins alarmant. Qu’en est-il réellement ?
BlackRock, loi PACTE et capitalisation
La réforme des retraites est-elle un cadeau à destination des fonds de pension, les structures financières au coeur des dispositifs de retraite par capitalisation ?
C’est une question que l’on peut à l’écoute des annonces d’Édouard Philippe, mercredi 11 décembre. Le Premier ministre a déclaré que ceux qui gagnent des revenus supérieurs à 120.000 euros brut annuel ne paieront plus de cotisations retraite (fixées à 28,1%) et, par conséquent, n’ouvriront pas de droits à la retraite.
L’effet sera une hausse de la rémunération nette et une baisse de la pension à venir mais aussi autant de cotisations salariales et patronales en moins pour le futur régime.
Pour éviter de connaître une chute brutale de revenus à la retraite, ces cadres devront alors se tourner vers l’épargne retraite individuelle ou d’entreprise. Et BlackRock se fera un plaisir de leur ouvrir ses portes.
Qui est BlackRock ?
Il s’agit d’un fonds américain, le plus important du monde. Il gère plus de 6.000 milliards de dollars d’actifs pour le compte de nombreux fonds de pension.
Le Canard Enchaîné évoquait, en 2017, la réception de ses dirigeants en présence d’Emmanuel Macron. Le fondateur de BlackRock, Larry Fink, ne tarit pas d’éloge à l’égard du président français. Notamment depuis le vote de la loi Pacte, dont une partie simplifie et développe la retraite par capitalisation en France, avec exonérations fiscales à la clef.