« Retrouver l’envie de militer » Benjamin Cayrecastel – Toulouse 7
Alors que les raisons de désespérer se multiplient, comment retrouver l’envie de militer ? Le monde est devenu si complexe et si incertain que « penser global » n’est plus possible. Face aux dérèglements multiples du monde comment croire encore en des lendemains meilleurs ?
Ne sachant répondre à cette question j’aurais pu perdre mon militantisme socialiste si le goût de l’action collective ne m’avait pas rattrapé.
Lors d’un repas de quartier que j’avais initié et organisé j’ai pu constater que la « lepénisation des esprits » gagnait mes propres voisins. Mamie Andrée veuve d’un réfugié espagnol et Denis le bricoleur généreux qui me prête main forte chaque fois que j’en ai besoin, étaient-ils en train de devenir racistes ? Plus grave encore, aucun des participants au repas n’osera dire que le racisme n’est pas une opinion mais bien un délit ? Là, le réflexe militant est revenu. Impossible de me taire. J’ai un peu glacé l’ambiance mais j’ai pris la parole pour exprimer à quels point les propos qui s’échangeaient me choquaient. Les jours suivants je n’ai pas lâché l’affaire, j’ai engagé la discussion sur la sécurité avec untel. J’ai gardé sa maison quand il est parti en vacances. Lorsqu’une autre a été insultée et bousculée par un groupe de jeunes de la cité voisine je l’ai écoutée. J’ai contacté pour elle les services locaux de prévention de la délinquance pour provoquer une médiation. En me remerciant quelques semaines plus tard pour l’amélioration de ses relations avec les jeunes du quartier elle a tenu à m’exprimer qu’elle n’était pas raciste et à s’excuser pour ses propos lors du fameux repas au cours duquel je m’étais mis en colère.
Oui nos voisins, sont moins politisés que nous militants socialistes. Oui ils et elles sont des proies pour les idéologies rampantes que diffusent certains médias. Il est cependant encore possible de les réveiller.
Enhardi par le petit supplément de courage que m’a donné cette séquence j’ai entrepris de reproduire la même recette sur un autre sujet : l’écologie. Au lieu de m’enfermer en réunion avec ceux et celles qui partagent un intérêt pour le sujet, je vais vers mes voisins et vers mes camarades de section pour parler climat, limitation des ressources et éco-anxiété. Je ne suis pas toujours suivi par celles et ceux qui ne partagent pas cette préoccupation mais au moins ils et elles comprennent mieux mes choix.
Nous vivons une période où chacun est plus souvent guidé par ses peurs que par ses espoirs. C’est un peu irrationnel car au fond nous vivons encore dans un relatif confort mais les peurs de l’avenir sont aussi tenaces que multiples et elles guident toutes nos actions. Si nous voulons nous comprendre à nouveau nous avons besoin de partager sur nos peurs. Comprends mon éco-anxiété et je ferai l’effort de comprendre tes peurs sécuritaires et identitaires. Ainsi nous serons peut-être capables d’agir ensemble.
Être socialiste c’est agir en socialiste écrivait-on lors d’une précédente crise de notre famille politique. Je ne peux changer le monde que je ne comprends plus mais je peux transformer mon voisinage. Je peux aussi faire passer le message et espérer que « partout dans le monde, d’autres voix nous répondent ».
Benjamin Cayrecastel, Section Toulouse 7